Culture générale

Galleria Continua : un « Truc à faire » avant fin mars

Pour contourner la fermeture des lieux culturels et pourvoir exposer malgré tout, il aura fallu trouver « quelque chose à faire » ; c’est précisément le leitmotiv qui a poussé Mario Cristiani, Lorenzo Fiaschi et Maurizio Rigillo, galeristes et partenaires fondateurs du concept Galleria Continua, à trouver la solution pour donner vie à leur projet à Paris, en cette période de semi-confinement.

Avec la complicité de JR, artiste contemporain de renommée internationale, le collectif artistique a finalement trouvé la solution pour permettre à son exposition de voir le jour : l’espace investi pour ce faire – un bâtiment de 800m², sur deux étages et un sous-sol, à l’angle de la rue du Temple et de la rue Michel-Le-Comte à Paris, et qui accueillait jusqu’à lors une maroquinerie –

accueille désormais, en plus de nombreuses œuvres d’art exposées, une épicerie de luxe, et un espace de vente d’articles culturels ! Eh oui, car étant essentielles, les denrées alimentaires justifient le maintien de l’ouverture du bâtiment, et ce, même si le propos principal reste l’art et la visite de l’exposition. Un joli pied-de-nez aux décisions gouvernementales souvent absurdes, et qui participe à l’idée de la performance : se détourner du propos initial pour une utilisation inattendue de l’espace et donc, de l’esprit.


Cette idée de pouvoir exposer dans les lieux encore accessibles à la population a germé dans de nombreuses têtes, puisqu’à Charleville-Mézières, les musées Rimbaud et de l’Ardenne avaient également décidé en janvier dernier de mettre à la disposition du public certaines de leurs œuvres dans les galeries marchandes d’un centre commercial. Une initiative largement encouragée par le maire de la ville, Boris Ravignon, qui, se languissant de n’avoir avec l’art qu’un rapport par écrans interposés depuis le début de la crise sanitaire, a décidé d’aller chercher le public là où il se trouvait encore. Alors si vous faites vos emplettes à l’Intermarché de Mohon, pensez à jeter un œil entre le primeur et le rayon laiterie ; vous y découvrirez entre autres un pistolet datant du XVIIIème siècle, produit dans l’ancienne manufacture d’armes de Charleville-Mézières, et dont La Fayette aurait fait l’acquisition, ainsi qu’un morceau du mur de Berlin sur lequel a été tagué le visage de Rimbaud.


Mais qui est JR, curateur de l’exposition « Truc à faire » ?

Vous avez forcément déjà vu des œuvres de JR, soit in situ dans les rues de votre ville, soit sur internet. Cet artiste contemporain, qui se revendique lui-même comme étant « artiviste », est, du haut de ses 37 printemps, une figure emblématique de l’art urbain. Spécialisé dans l’impression photographique démesurée, il investit l’espace public à l’international, avec des collages éphémères qui interrogent le spectateur sur la légitimité des lieux ainsi affublés, ou sur le propos de l’art en soit :

« Je possède la plus grande galerie d’art au monde : les murs du monde entier. J’attire ainsi l’attention de ceux qui ne fréquentent pas les musées habituellement». Cet esprit de détournement pour capter l’attention, nous la retrouvons dans son engagement auprès de la Galleria Continua comme commissaire d’exposition. Les œuvres scrupuleusement sélectionnées par le curateur s’inscrivent dans une volonté d’interpeler plus que d’interroger, tant dans ce qu’elles racontent que dans leur interaction avec le lieu façonné pour l’occasion.

Car enfin, lorsque ce premier volet touchera à sa fin, le 20 mars prochain, c’est une toute nouvelle structure qui sera mise en place, pour une tout autre exploitation de l’espace : café, boutique, lieu de rencontre… qui sait ! Seul le leitmotiv demeurera ; faire de cet espace un cadre à part, ouvert à l’expérimentation, et encourageant les appropriations de l’espace au-delà de ses usages habituels.

« Un lieu où l’on vend des œuvres d’art, à mi-chemin entre la cathédrale et le supermarché, est un endroit où l’on entrevoit l’infini et où l’on acquiert des biens de consommation. J’ai l’habitude de travailler avec des galeries d’art, mais aussi d’être dans la rue et de discuter avec les passants.

Pour ce nouvel espace, j’ai voulu marier ces deux univers, créer un lieu habité par l’art où l’on vient se promener, où l’on revient quelques semaines plus tard pour découvrir un nouvel univers, où l’on rencontre les œuvres d’artistes de générations diverses, issus des cinq continents : Ai Weiwei, Daniel Buren, Anish Kapoor, Michelangelo Pistoletto ou Pascale Marthine Tayou, pour n’en citer que quelques-uns. Je voudrais que ce soit un espace de discussion, de rencontre, de surprise, où l’on achète un livre dont on découvre qu’il a été signé par l’auteur après l’avoir ouvert, où l’on peut boire un bon café italien dans un environnement en mouvement, où l’on peut s’immerger dans les œuvres en présence ». JR – extrait du communiqué de l’exposition.


Quid du concept Galleria Continua ?

Mario Cristiani, Lorenzo Fiaschi et Maurizio Rigillo, galeristes italiens et amis partageant la même éthique et fibre artistique, décident d’implanter en 1990 la première galerie d’art dans un lieu s’émancipant de son contexte original : un ancien cinéma. Et ce cinéma n’est pas choisi au hasard : il se situe à San Gimignano, un petit village typique de la Toscane, situé à 60km au sud de Florence, un site loin des mégalopoles ultramodernes, qui va selon eux ouvrir de nouveaux dialogues, et faire émerger des symbioses insoupçonnées entre des pôles à priori opposés : rural et industriel, art du passé et art contemporain, artistes reconnus et jeunes talents…

Le caractère international du catalogue que la Galleria Continua expose, permet au concept de s’exporter à travers le monde : d’abords en Chine en 2004, puis en France en 2007 dans la commune de Boissy-le-Châtel en Seine-et-Marne, en 2015 à Cuba à La Havane, et enfin en 2020 à Rome puis au Brésil à Sao Polo. La Galleria Continua se veut, comme son nom l’indique, être une passerelle intemporelle, entre les époques et les classes sociales ; un espace Atemporel sans barrière d’aucune sorte, où l’on se retrouve le temps d’un partage, seul face à sa réflexion.



Bonus : les pages Instagram à suivre.

@JR : « artiste jusqu’à ce que je trouve un vrai travail 😊 ». Voilà la phrase de présentation que JR a choisi de faire figurer sur son profil Instagram pour se présenter à sa communauté de plus d’1,5 millions de fidèles ! On y découvre ses œuvres bien sûr, mais aussi son microcosme, ses influences, et un peu de son quotidien, bien que la dimension monotone du terme ne convienne pas au vécu atypique qu’il nous donne à voir ici !

@galleriacontinua : ce profil est dédié au concept Galleria Continua, et pas seulement à l’exposition parisienne. Les stories épinglées sont cependant classées par lieux et pays d’exposition, vous n’aurez donc aucun mal à retrouver les infos relatives à la mise en place de la performance de la rue du Temple.


Pour aller plus loin.

Reportage photo sur l’exposition Galleria Continua rue du Temple : https://www.galleriacontinua.com/exhibitions/curated-by-jr-319
Pour acheter vos billets – réservation fortement conseillée : https://www.galleriacontinua.com/reservation-paris


Mes sources.

Galleria Continua – 87 rue du Temple – 75003 Paris – www.galleriacontinua.com
Dans l’objectif de JR – éditions Pyramyd – https://pyramyd-editions.com/products/dans-l-objectif-de-jr
Page Wikipedia de JRhttps://fr.wikipedia.org/wiki/JR_(artiste)
Les Musées de Charleville-Mézières exposent leurs œuvres dans une galerie commerciale – article paru dans Le Figaro le 29/01/2021 – https://www.lefigaro.fr/culture/les-musees-de-charleville-mezieres-exposent-leurs-oeuvres-dans-une-galerie-commerciale-20210129

1 réflexion au sujet de “Galleria Continua : un « Truc à faire » avant fin mars”

  1. J’aurai trop dû lire ton article avant d’aller à la galerie ! Très complet, très éclairant. Merci Nina.

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