Culture générale

“A Lyon, la vraie lumière ne vient pas d’en haut, mais d’en bas”

Ceux qui me connaissent bien le savent, si je ne devais retenir qu’un seul objectif de vie, ce serait de poser mes valises définitivement à Lyon. Pourtant je ne connais cette ville que depuis peu de temps, et j’ai dû n’en explorer qu’une partie infinitésimale ! J’y suis allée pour la première fois en 2016 ; à l’époque, je disposais davantage de temps libre, et d’un salaire plus conséquent me permettant une fois par trimestre de visiter une ville française. Parmi les personnalités non-essentielles que j’admire, bon nombre est lyonnais, à commencer par Alexandre Astier, Florence Foresti, Woodkid, mais aussi Paul Bocuse, Brice Fournier, Clovis Cornillac, François Rabelais, Louise Labé, Saint-Exupéry… Il fallait que j’aille voir par moi-même quelle énergie folle et créatrice pouvait se dégager de cette ville pour générer autant de talent !

J’y ai trouvé une richesse étourdissante, tant dans la typologie des différents quartiers que dans la cohabitation des différentes époques qui les ont traversés. J’y ai également trouvé une humilité qui manque cruellement à notre prétentieuse capitale ;

Lyon excelle dans presque tous les domaines, et se préserve bien d’en chanter les louanges aux quatre coins de l’hexagone. J’y ai découvert une ville résolument tournée vers l’avenir, sans pour autant dénigrer son passé qu’elle cherche à préserver. Enfin, j’y ai découvert un art de vivre, une richesse culinaire, des vins extraordinaires, des initiatives populaires sur à peu près tous les sujets, qu’elles soient culturelles, solidaires, urbaines…

Aussi ai-je décidé de vous dresser un rapide portrait des quartiers de cette ville que j’ai pu visiter, d’une part parce que ça me replonge le temps de l’écriture dans mes visites lyonnaises qui me manquent tant, et puis parce que l’histoire de cette ville est tout simplement passionnante. Si vous ne la connaissez pas, je vous invite fortement à la découvrir dès que possible, vous en ressortirez forcément grandi.


Confluence : quand le passé industriel rejoint les considérations écologiques modernes.

Pourquoi commencer par le quartier de la Confluence ? Simplement parce que c’est le premier que j’ai découvert, en sortant de la gare de Perrache un matin d’août 2016, et en marchant vers le sud à la recherche d’un tramway qui m’approcherait de la darse où j’avais rendez-vous. En arrivant aux abords du centre commercial éponyme, on y découvre un écoquartier, composé de bâtiments répondant aux normes HQE ; la végétation y est nombreuse, et un soin particulier a été apporté au réaménagement des berges. En face, les voûtes de la Mulatière qui bordent la Saône tranchent avec toute cette modernité et nous impose le témoignage d’une époque Romaine encore très présente. Ces escaliers débouchent sur le quai Jean-Jacques Rousseau qui au soir tombé s’embrase d’une lumière dorée et chaleureuse.
Mais revenons-en à nos moutons…

Le quartier de la Confluence, c’est un peu le nouveau quartier à la mode. Pourtant, ça a longtemps été un coin mal famé où il ne faisait pas bon s’aventurer. Et avant cela, ce quartier n’existait même pas, puisqu’il était immergé ! La ville d’arrêtait à l’époque dans l’actuel quartier d’Ainay où le Rhône et la Saône se rejoignaient naturellement. C’est à la fin du XVIIIème siècle qu’Antoine Michel Perrache soumet à Louis XV son idée de prolonger la ville vers le sud, en asséchant les bras du Rhône, reliant ainsi les nombreuses petites iles entre elles, et faisant émerger un nouveau terrain.

Le projet sera finalement validé en 1771 et sera d’une ampleur colossale ; à la mort de Perrache en 1779, le chantier sera à peine amorcé. La compagnie Perrache demandera quelques années plus tard une rallonge au roi pour pallier son fort endettement, rapport à ces travaux qui s’avèrent plus techniques que prévu. Mais la Révolution de 1789 ne permettra pas de répondre favorablement à cette requête. En 1806, c’est Napoléon qui rachète le chantier à la compagnie Perrache dans l’optique d’y construire un palais impérial ; c’était sans compter sur la chute de l’Empire qui réduira ce nouveau projet à néant.

1826 : Confluence entre dans l’ère de l’industrialisation.

Le chantier restera en suspend près de 20 ans. C’est en 1826 le maire de Lyon, Jean de Lacroix Laval, qui décide de le reprendre enfin, pour faire entrer la ville dans l’ère industrielle qui s’amorce, et tirer bénéfice de sa position stratégique au carrefour des grandes routes de l’Europe.

Y seront donc construits tour à tour une gare ferroviaire reliant Lyon à Saint-Etienne – et qui n’est pas la gare de Perrache que l’on connait aujourd’hui, elle ne verra le jour qu’en 1857 – des ateliers de métallurgie, des usines chimiques et de traitement de gaz, mais aussi des geôles et les abattoirs de la ville.  Un quartier peu fréquentable où l’on se rendait pour travailler seulement.

Confluence aujourd’hui : résolument tournée vers l’avenir !

La réhabilitation de ce quartier tel que pensée au début des années 2000 concerne tous les aspects du maillage urbain :

Le logement bien sûr, avec ces nouveaux immeubles répondant aux normes HQE extrêmement strictes, la culture avec la construction du Musée des Confluences à l’extrémité de la presqu’ile, le transport avec la création de nouvelles lignes de bus et de tramway, et l’urbanisme avec l’aménagement des quais en promenades, l’implantation d’un centre commercial et la création d’un parc.

L’activité industrielle y est toujours présente, mais cet écoquartier attire désormais pour d’autres raisons, et notamment son architecture contemporaine. De nombreux noms sont venus signer les réalisations de Confluence : Christian de Portzamparc, avec son hôtel de la Région ou siège le conseil de la région Auvergne depuis 2011, le groupe Jakob et MacFarlane avec le Cube Orange, souvent comparé à un taille crayon – sûrement en écho à la tour du Crédit Lyonnais comparée à un crayon, Jean-Paul Viguier avec le centre commercial Confluences sorti de terre en 2012, l’agence autrichienne Himmel(b)lau à l’origine du Musée des Confluences en 2014.

Le quartier continue sa transformation, toujours dans une optique de répondre aux normes de haute qualité environnementale, indispensables pour un développement durable et soucieux des considérations écoresponsables. En parallèle, la population s’accroit, et le réaménagement tel qu’impulsé par Raymond Barre dans les années 90 a pour but de doubler à terme la surface du Centre-Ville, tout en limitant l’impact carbone de cette densification. L’utilisation de matériaux recyclables, la récupération des eaux de pluie et l’exploitation d’énergies renouvelables sont au cœur des considérations de la ville pour mener à bien le chantier de cet écoquartier qui devrait connaître sa forme définitive en 2025.


Bonus !

Voici un court extrait des Confessions de Jean-Jacques Rousseau où l’auteur évoque ses mésaventures lors d’un de ces séjours dans la capitale des Gaules :

« Je crois me rappeler, dans le même intervalle, un autre voyage de Lyon, dont je ne puis marquer la place, et où je me trouvai déjà fort à l’étroit. Une petite anecdote assez difficile à dire ne me permettra jamais de l’oublier. J’étais un soir assis en Bellecour, après un très mince souper, rêvant aux moyens de me tirer d’affaire, quand un homme en bonnet vint s’asseoir à côté de moi ;

cet homme avait l’air d’un de ces ouvriers en soie qu’on appelle à Lyon des taffetatiers. Il m’adresse la parole : je lui réponds : voilà la conversation liée. À peine avions-nous causé un quart d’heure, que, toujours avec le même sang-froid et sans changer de ton, il me propose de nous amuser de compagnie. J’attendais qu’il m’expliquât quel était cet amusement ; mais, sans rien ajouter, il se mit en devoir de m’en donner l’exemple. Nous nous touchions presque, et la nuit n’était pas assez obscure pour m’empêcher de voir à quel exercice il se préparait. Il n’en voulait point à ma personne ; du moins rien n’annonçait cette intention, et le lieu ne l’eût pas favorisée. Il ne voulait exactement, comme il me l’avait dit, que s’amuser et que je m’amusasse, chacun pour son compte ; et cela lui paraissait si simple, qu’il n’avait même pas supposé qu’il ne me le parût pas comme à lui. Je fus si effrayé de cette impudence que, sans lui répondre, je me levai précipitamment et me mis à fuir à toutes jambes, croyant avoir ce misérable à mes trousses. J’étais si troublé, qu’au lieu de gagner mon logis par la rue Saint Dominique, je courus du côté du quai, et ne m’arrêtai qu’au-delà du pont de bois, aussi tremblant que si je venais de commettre un crime. J’étais sujet au même vice ; ce souvenir m’en guérit pour longtemps. »

1 réflexion au sujet de ““A Lyon, la vraie lumière ne vient pas d’en haut, mais d’en bas””

Laisser un commentaire